La fragile résurrection de Lynas dans les terres rares
Dans un marché des terres rares presque monopolisé par la Chine (95% de la production), les performances de l’australienne Lynas ont de quoi étonner.
Le groupe minier australien Lynas, l’un des rares producteurs de terres rares non chinois, entend doubler sa capacité annuelle d'extraction de minerais de la mine de Mount Weld, dans l'État d'Australie-Occidentale, laquelle passerait de 242 000 à 443 000 tonnes, selon le quotidien The Australian. Déjà, "en 2017, le groupe a porté sa production à 14000 tonnes d'oxydes de terres rares, contre 4000 tonnes en 2014", rappelle Gaëtan Lefebvre, géologue-économiste des ressources minérales au BRGM. "Dans les conditions actuelles, on peut estimer que la part de la production mondiale pouvant être atteinte par Lynas pourrait atteindre 10 à 15% maximum."
Un groupe moribond il y a deux ans...
Endettement systémique, difficultés à mettre en activité son usine de raffinage établie sur la péninsule de Kuantan en Malaisie, faiblesse des cours des terres rares... Entre 2012 et 2016, le groupe, presque moribond, ne devait son salut qu'au soutien financier d'une poignée de clients japonais, inquiets de ne dépendre que de Pékin pour leurs approvisionnements. "Par l'intermédiaire du Jogmec [une société publique en charge de la sécurisation des approvisionnements japonais , NDLR], des sociétés telles que Sojitz, Showa Denko et Shin Etsu ont pu soutenir financièrement Lynas – et donc ses capacités de production", explique Gaëtan Lefebvre.
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sourceMais l'écosystème des terres rares a évolué en 2017 : la Chine a durci ses réglementations environnementales, renforcé la lutte contre les activités d'extraction illégale (qui perdurent en particulier dans la province méridionale du Jiangxi) et annoncé vouloir limiter sa production annuelle à 140 000 tonnes à l'horizon 2020. Parallèlement, les besoins en terres rares ont été galvanisés par l'accélération de la transition énergétique. Ainsi le groupe automobile Tesla a annoncé au cours de l'été son intention d'équiper les moteurs de ses Model 3 d'aimants de néodyme-fer-bore tandis que Pékin officialisait l'objectif que 12% des voitures neuves vendues en 2020 dans l'Empire du milieu soient électriques. Portés par ces bonnes nouvelles, les cours des oxydes de néodyme et de praséodyme ont même connu un bref sursaut.
...à l'équilibre fragile
Mais pour Lynas, redevenu bénéficiaire au deuxième trimestre 2017, rien n'est acquis pour autant : "le prochain piège consisterait à croire que le marché se maintiendra indéfiniment ainsi", prévient Amanda Lacaze, PDG de Lynas. La Chine peut en effet jouer de sa situation monopolistique pour influencer les cours à la baisse et gêner les producteurs alternatifs.
Et puis, "où en est Lynas du remboursement de sa dette, financée en partie par le Jogmec ? C'est un point majeur pour les perspectives d'investissements futures. De même, quelle est la part de la production de didyme [un alliage de néodyme et de praséodyme, NDLR], plus valorisable, tandis que les autres terres rares légères telles que le lanthane et le cérium également produites présentent une moindre valeur ?", interroge Gaëtan Lefebvre, pour qui les bonnes performance de la minière australienne ne doivent masquer cette réalité : "le marché mondial des terres rares semble toujours durablement sous contrôle chinois."
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