Aude : des éoliennes buttent sur le dernier souffle d'une Zad

  • Aude : des éoliennes buttent sur le dernier souffle d'une Zad Aude : des éoliennes buttent sur le dernier souffle d'une Zad
    Aude : des éoliennes buttent sur le dernier souffle d'une Zad
  • La base du parc éolien de La Bruyère est posée. Le panorama embrassse le pic de Bugarach, le Carlit, les Pyrénées.
    La base du parc éolien de La Bruyère est posée. Le panorama embrassse le pic de Bugarach, le Carlit, les Pyrénées. CHRISTOPHE FORTIN
  • Aude : des éoliennes buttent sur le dernier souffle d'une Zad
    Aude : des éoliennes buttent sur le dernier souffle d'une Zad CHRISTOPHE FORTIN
  • Les zadistes ont "le sentiment" de faire leur "part de boulot".
    Les zadistes ont "le sentiment" de faire leur "part de boulot". CHRISTOPHE FORTIN
Publié le , mis à jour
SOPHIE GUIRAUD

DOSSIER MIDI LIBRE. À côté de l’emblématique Notre-Dame-des-Landes, d’autres “zones à défendre” (Zad) sont ouvertes en France. Dans l'Aude, à Bouriège et à Tourreilles, une contestation plus confidentielle, à l’avenir incertain, retarde la construction d’un parc éolien.

Des élus et des autorités locales déterminés, des opposants locaux au bord de la rupture, et une poignée de zadistes dans l’expectative, positionnés en contrebas d’un chantier poussif, tel est le théâtre de la construction de 6 éoliennes initiée il y a presque quinze ans. Les villages audois de Bouriège, 130 habitants, et Tourreilles, 125 habitants, aux portes de Limoux, n’ont qu’un lointain air de famille avec Notre-Dame-des-Landes, l’emblématique “zone à défendre”. La naissance d’un petit parc éolien sur le vent porteur des énergies vertes fait moins peur qu’un aéroport pensé pour faire décoller une région.

Parmi la dizaine d’actuels points chauds en France

Alors que la tempête contestataire s’apaise à l’ouest, la Zad audoise, créée au printemps 2016 et repérée parmi la dizaine d’actuels points chauds en France, souffle les derniers espoirs de riverains opposés au parc éolien. Le dénouement est proche. Si dans quelques jours la société montpelliéraine Valeco, titulaire du permis du Parc de la Bruyère, parvient à acheminer les pales des machines sur le site audois, l’affaire sera entendue au terme d’un combat juridique acharné. “Les éléments les plus importants devraient arriver en février”, confirme Sylvie Siffermann, sous-préfète de Limoux.

Pour atteindre les lieux, les convois n’auront pas d’autre choix que d’emprunter l’étroite route départementale 52, qui grimpe jusqu’au hameau de Saint-Sernin, et bifurque sur une route privée tracée à flanc de colline jusqu’au futur parc éolien. Deux kilomètres et demi de bitume aussi emblématiques que les 4,5 km de la RD281, la “route des chicanes” à Notre-Dame-des-Landes. La RD52, bordée de terrains privés, est le théâtre d’une guérilla portée devant les tribunaux et ponctuée d’arrêtés du conseil départemental de l’Aude. Au centimètre près, une pièce de plusieurs tonnes passe, ou pas.

Sous l'oeil des gendarmes

Un affrontement plus musclé s’est aussi organisé sous l’œil du peloton d’intervention de la gendarmerie. Sur la RD52, le pont du Gourga, garde la mémoire de l’agitation au démarrage des travaux, il y a un an : “De cet éolien qui contraint, on n’en veut point à Saint-Sernin”, rappelle un écriteau. Le parapet a lâché, remplacé par des barrières bancales. Plus haut, le pont du Rec affiche les mêmes stigmates. L’été a été chaud. Des vigiles veillent.

La contestation portée par deux associations, Les amis de Saint-Sernin (une trentaine d’adhérents revendiqués) et le Collectif tourreillois, désormais dissous, s’est aussi focalisée, au départ du projet, sur la protection du site archéologique de Saint-Pierre-le-Clair, à la lisière des éoliennes. “On n’est pas une bande de gauchos, on défend notre patrimoine”, posent d’entrée Philippe Viennot, professeur de physique-chimie retraité, et André Calvet, énième génération d’une famille de Saint-Sernin, porte-voix d’un collectif vent debout contre le bétonnage de la colline plantée de chênes pubescents, de décisions de justice jugées arbitraires, “l’absence de concertation”, cette façon de dérouler le tapis rouge à “des gens très puissants”, cette avancée à marche forcée vers des énergies dites propres, quels qu’en soient les effets. “Je ne suis pas contre les éoliennes, indique Philippe Viennot. Mais il faut que le terrain soit bien choisi, que l’intégration paysagère soit cohérente...”

Aude : des éoliennes buttent sur le dernier souffle d'une Zad
Aude : des éoliennes buttent sur le dernier souffle d'une Zad

Les dés sont pipés

“Je suis venue dans l’Aude pour le calme, la nature, l’histoire des châteaux cathares, pas pour voir un site industriel dans un milieu sauvage. Détruire la nature pour préserver l’environnement, non !”, s’indigne Marjan Cuijpers, une Hollandaise à la tête de gîtes à Tourreilles. Pour elle aussi, les dés sont pipés. La preuve ? “En haut, le vent est en catégorie 2, ce n’est pas l’idéal pour faire tourner des éoliennes, mais ils s’en foutent, ce qu’ils veulent, c’est les subventions.” Le marché est juteux, tant est forte la volonté de faire avancer les projets, disent les opposants.

"C'est un engrenage"

De Saint-Pierre-le-Clair, au pied du chantier des éoliennes, le panorama vers les pics de Madres, Bugarach, le Carlit, est barré de la ligne des 28 éoliennes du village voisin, Roquetaillade. Chez les voisins de Bourigeole, un autre opérateur, Valorem, a des envies de parc. “Vous avez vu combien les Corbières, le Minervois sont défigurés par les éoliennes ? C’est un engrenage”, craignent les opposants qui agitent le spectre “de l’industriel, pas du raisonné”, pour reprendre un thème porteur en territoire rural. Dans ce département plombé par les mauvais indicateurs de pauvreté, on ose le bon mot : “Les éoliennes, c’est la prostitution de la terre.”

“Tout s’est fait dans la légalité”, insiste la sous-préfète de Limoux, drapée dans “une neutralité parfaite”, qui rappelle que les adversaires du parc éolien “ont été déboutés de toutes leurs actions en justice”. L’avis défavorable donné suite à l’enquête publique ? “Un problème administratif !” Le village médiéval saccagé selon les opposants ? “La Drac a dit qu’il n’avait pas d’intérêt archéologique”. La Zad ? “Une poignée de militants venus passer l’été au chaud... On n’est pas à Notre-Dame-des-Landes !”

La moitié du budget

“Je ne suis pas allé à Notre-Dame-des-Landes, mais ici, la Zad, c’est un dépotoir”, déplore Philippe Pous, 46 ans. Le maire de Bouriège, aligne les chiffres, renégociés auprès de Valeco : “70 000 € par an pour la commune, soit la moitié du budget, le montant des impôts locaux”, calcule l’élu dans le bureau du conseil municipal, sous le portrait d’Emmanuel Macron qui a promis de doubler la capacité en éolien d’ici 2022.

“Les éoliennes sont une opportunité pour faire vivre le village”, affirme le viticulteur adepte d’une “culture raisonnée”, opposé au “nucléaire”, qui “n’aurait pas la même attitude s’il s’agissait de faire un forage pour du gaz de schiste”. Pour preuve de sa bonne foi, l’élu rappelle que sa première adjointe est opposée au projet. Son équipe vient de valider l’installation d’un “agriculteur sur le site des éoliennes”. “Si la population avait été contre, on l’aurait vu. Il y a eu deux élections municipales depuis 2004”.

Aude : des éoliennes buttent sur le dernier souffle d'une Zad
Aude : des éoliennes buttent sur le dernier souffle d'une Zad CHRISTOPHE FORTIN

Remue-ménage

Enfin, il l’assure, les éoliennes n’ont pas d’impact sur l’ambiance du village. Il a bien en tête une “tentative d’intimidation des opposants” qu’il déplore, mais “la tension est retombée”. Son prédécesseur, en revanche, fait le lien entre le chantier contesté et une agression dont il a été victime, l’été dernier. “Il y a eu du remue-ménage, les tiraillements perturbent la vie du village”, regrette Marie-Christine Palomino, maire de Tourreilles. Élue en 2014, elle a “hérité du dossier”, qui enrichira les caisses de la mairie de 50 000 € chaque année, “la moitié du budget”. Elle ne voit pas “comment on pourrait revenir en arrière”.

“Je vous dirai que c’est fini quand les pales seront montées”, affirme Philippe Pous. “Les grosses pièces ne monteront pas”, dit le collectif, qui “ira jusqu’au bout”. Quitte à perdre, en espérant servir à d’autres. “C’est peut-être l’après qui se joue ici”, imagine Philippe Viennot. Pour Sylvie Siffermann, l’“après” ne fait aucun doute : “Tout ça va se faire”, s’avance la sous-préfète, prompte à souligner le dynamisme de Valeco, très discret, compte tenu de “l’historique de ce projet”. Pour connaître l’actualité de la société, il faut lire le quotidien économique Les Echos le 20 novembre 2017. Les Montpelliérains y annoncent neuf nouveaux projets dans les énergies vertes, un investissement de 300 millions d’euros.

Les zadistes ont "le sentiment" de faire leur "part de boulot".
Les zadistes ont "le sentiment" de faire leur "part de boulot". CHRISTOPHE FORTIN

L'immobilier à Narbonne

0 €

Augmenter vos revenus pour mieux profiter de votre retraite. Etude gratuit[...]

139000 €

Proche de Narbonne, nouvelle zone commerciale, belle visibilité proche du l[...]

Toutes les annonces immobilières de Narbonne