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Le CAC 40 est en très forte hausse !, par Jean Gadrey

Depuis sa création en 1988, l'indice de la Bourse de Paris a progressé de 120 % et le salaire annuel de 15 % à prix constants.

Publié le 13 octobre 2008 à 13h34, modifié le 13 octobre 2008 à 13h34 Temps de Lecture 3 min.

Si l'on reconstitue l'indice CAC 40 depuis sa création en 1988, on s'aperçoit qu'il a connu, y compris en tenant compte de son plongeon des derniers jours, une progression énorme, sans commune mesure avec celle des salaires, des minima sociaux et du PIB par habitant.

En 1988, le CAC 40 oscille entre 1 000 et 1 100 "points" (il a été défini avec une valeur de 1 000 points au 31 décembre 1987). Dans la première moitié des années 1990, il vaut entre 1 500 et 2 100. A partir de 1998, c'est l'envolée liée à la bulle Internet, qui le voit culminer début septembre 2001 au-dessus de 6 900, avant une plongée jusque mars 2003, où il descend à 2 400. Le rebond ultérieur va durer plus de quatre ans, jusqu'à juin 2007, avec un point haut à plus de 6 100. Au moment où j'écris ces lignes, le 10 octobre au matin, il est à 3 100. Catastrophe nationale ?

Si l'on adopte une perspective plus longue (ne dit-on pas que les actions ont à voir avec l'investissement ?...), on s'aperçoit que quelqu'un qui aurait détenu début 1988 un portefeuille d'actions conforme à la composition du CAC 40 à l'époque, et qui aurait procédé régulièrement à un minimum d'ajustements pour coller à la composition changeante de cet indice (il y a des produits financiers pour cela) aurait à ce jour une somme 3,1 fois supérieure s'il vendait. Or, en vingt ans, de 1988 à 2008, l'indice des prix à la consommation a progressé d'à peine plus de 40 %. Cela assure à notre détenteur d'actions une progression de 120 % du pouvoir d'achat de son portefeuille.

Pendant ce temps, comment ont évolué le pouvoir d'achat des salaires, des minima sociaux, et le PIB par habitant ? Ce dernier a progressé de 35 % en vingt ans. Le salaire annuel moyen des salariés à temps complet a progressé d'environ 60 % en euros courants, soit autour de 15 % à prix constants. Quant au pouvoir d'achat du RMI depuis sa création effective en 1989, c'est pire : + 5 % en dix-huit ans !

Récapitulons : en vingt ans, le portefeuille CAC 40 a vu son pouvoir d'achat progresser de 120 %, pendant que celui des salaires (à temps plein) peinait à atteindre les 15 % et que celui du RMI faisait pratiquement du sur-place. Pour que le CAC 40 enregistre la même progression que les salaires sur cette période, il faudrait qu'il plonge demain sous les 1 600 points.

Objection. Il est un peu excessif de faire débuter cet exercice en 1988, alors que la création du CAC 40 cette année-là faisait suite à un krach boursier, en 1987. 1988 est un point bas, cela peut fausser l'analyse. C'est vrai, mais si l'on prenait comme période initiale un point haut, hypothèse la plus défavorable pour cette démonstration, en se fondant sur les valeurs des mois précédant le krach de 1987, on partirait d'environ 1 500 points au lieu de 1 000.

Cela ne modifierait pas l'énormité de l'écart des progressions : au lieu d'une progression de 120 % du pouvoir d'achat des actions en vingt ans, on obtiendrait + 48 %, soit plus de trois fois la hausse correspondante pour les salaires.

Puisque la question se pose de savoir qui va payer les sommes gigantesques que les Etats vont engloutir pour tenter de sauver le système qu'ils ont créé, avec l'espoir de se désengager au plus vite ensuite (revendre plus cher au privé ce qu'on aura en partie nationalisé à bas prix, en se comportant comme des boursicoteurs), on peut au moins répondre : doivent d'abord payer ceux qui ont bénéficié de la déformation de la valeur ajoutée en leur faveur et ceux qui ont vu le pouvoir d'achat de leurs actifs progresser de 120 % en vingt ans.

Il faut remplacer le bouclier fiscal par un bouclier social et maintenir les revenus de l'immense majorité en réduisant les inégalités provoquées par la démesure de la finance spéculative.


Jean Gadrey est professeur émérite d'économie à l'université Lille-I.

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